Les cas de mauvaise gestion de l’action publique se multiplient; leur fréquence, repérable à différents niveaux de gouvernement (national, régional, local), semble s’accroître pendant les périodes de crise. Dans une perspective durkheimienne, la résistance des comportements illégaux aux normes juridiques qui visent à les contraster pose le problème sociologique d’une régulation juridique efficace des actions publiques. Quelles conditions institutionnelles favorisent l’efficacité d’une norme juridique ? A travers quels mécanismes sociaux les individus institutionnalisent-ils, c’est-à-dire valident-ils une norme juridique ? En partant d’une étude de cas de corruption publique relevée en 2013 dans une commune italienne par le responsable externe du contrôle comptable du bilan, on veut réfléchir aux mécanismes sociaux qui alimentent la cohésion d’un système spécifique d’action publique et à la fonction de contraste qui peut amorcer la morale professionnelle à l’intérieur du système. La réflexion s’articule en deux parties. Dans la première on analyse le système d’action publique en élucidant les obligations réciproques qui tout en liant le maire à ses adjoints, à certains fonctionnaires internes et à des entrepreneurs, font circuler au sein de la commune et activent en dehors de cette dernière, une culture particulariste du bien de la ville (Mauss 2001). On souligne ensuite la capacité de l’analyste des comptes publics à miner les formes d’intégration qui structurent le système d’action. L’efficacité de son action apparaît d’abord sollicitée par les normes européennes, à souligner, à la suite de Durkheim, la validité d’un principe de différenciation-coopération des systèmes de régulation. (Durkheim 1998). L’action de l’analyste exprime en second lieu une sorte de grammaire de la morale professionnelle dont les éléments constitutifs sont la constance, la détermination, la connaissance non autoréférentielle de la matière professionnelle (Durkheim 2005). Le mécanisme qui fragilise le système se met en place au fur et à mesure que l’expert fait apparaitre un rapport Etat-citoyen inédit. Son action amène à la dénonciation du système de corruption et aux démissions des gouvernants de la ville. Cependant, son mandat professionnel terminé, la ville est administrée par un gouvernement nouveau mais rien n’assure que la culture particulariste présente dans l’institution de la commune et dans la ville puisse être réactivée. La compréhension de la fonction de la morale professionnelle dans l’innovation de la culture publique aide à repenser l’apport auquel les sociologues peuvent contribuer dans la réorganisation des priorités des programmes politiques visant à promouvoir des systèmes d’actions publiques légales.

Les sociologues et la légalité des actions publiques

VINCI, FIORELLA
2017-01-01

Abstract

Les cas de mauvaise gestion de l’action publique se multiplient; leur fréquence, repérable à différents niveaux de gouvernement (national, régional, local), semble s’accroître pendant les périodes de crise. Dans une perspective durkheimienne, la résistance des comportements illégaux aux normes juridiques qui visent à les contraster pose le problème sociologique d’une régulation juridique efficace des actions publiques. Quelles conditions institutionnelles favorisent l’efficacité d’une norme juridique ? A travers quels mécanismes sociaux les individus institutionnalisent-ils, c’est-à-dire valident-ils une norme juridique ? En partant d’une étude de cas de corruption publique relevée en 2013 dans une commune italienne par le responsable externe du contrôle comptable du bilan, on veut réfléchir aux mécanismes sociaux qui alimentent la cohésion d’un système spécifique d’action publique et à la fonction de contraste qui peut amorcer la morale professionnelle à l’intérieur du système. La réflexion s’articule en deux parties. Dans la première on analyse le système d’action publique en élucidant les obligations réciproques qui tout en liant le maire à ses adjoints, à certains fonctionnaires internes et à des entrepreneurs, font circuler au sein de la commune et activent en dehors de cette dernière, une culture particulariste du bien de la ville (Mauss 2001). On souligne ensuite la capacité de l’analyste des comptes publics à miner les formes d’intégration qui structurent le système d’action. L’efficacité de son action apparaît d’abord sollicitée par les normes européennes, à souligner, à la suite de Durkheim, la validité d’un principe de différenciation-coopération des systèmes de régulation. (Durkheim 1998). L’action de l’analyste exprime en second lieu une sorte de grammaire de la morale professionnelle dont les éléments constitutifs sont la constance, la détermination, la connaissance non autoréférentielle de la matière professionnelle (Durkheim 2005). Le mécanisme qui fragilise le système se met en place au fur et à mesure que l’expert fait apparaitre un rapport Etat-citoyen inédit. Son action amène à la dénonciation du système de corruption et aux démissions des gouvernants de la ville. Cependant, son mandat professionnel terminé, la ville est administrée par un gouvernement nouveau mais rien n’assure que la culture particulariste présente dans l’institution de la commune et dans la ville puisse être réactivée. La compréhension de la fonction de la morale professionnelle dans l’innovation de la culture publique aide à repenser l’apport auquel les sociologues peuvent contribuer dans la réorganisation des priorités des programmes politiques visant à promouvoir des systèmes d’actions publiques légales.
2017
978-2-8143-0312-6
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